Le jour où j’ai fait : L’ENFER DU NORD !

Nous sommes le 1er juin 2014, et je m’apprête à disputer un monument du cyclisme moderne, la célèbre classique Paris-Roubaix.

L’épreuve disputée habituellement mi-avril est celle des professionnels. Les 24 meilleures équipes aux monde sont présentes et c’est incontestablement le rendez-vous du printemps à ne pas manquer pour les mordus de vélo mais aussi les passionnés de sport en général.  

Moins médiatisé, la version espoir de l’épreuve réunie  près de 150 coureurs âgés de 19 à 22 ans.

 

Pas inscrite au calendrier des manches de la coupe du monde cette année-là, Paris-Roubaix Espoir reste tout de même une référence mondiale des épreuves proposées au calendrier espoir chaque année et un tremplin pour certaines des futures grandes stars mondiales.


190km de course, plus de 35km de pavés répartis tout le long du parcours en 18 secteurs.


Historiquement, Paris-Roubaix est l’une des plus anciennes courses cyclistes car elle existe depuis 1896. Comme son nom l’indique, il serait logique que la course s’élance de la capitale pour rejoindre la ville de Roubaix.

 

Pour la version Elite, depuis 1966, elle ne part plus de la région parisienne mais de Picardie (Chantilly de 1966 à 1976 et de Compiègne depuis 1977), avant de proposer plus de deux cent cinquante kilomètres aux coureurs.

Quant à la version espoir, c’est chaque année dans la ville de Péronne (Somme-Picardie) que le départ est lancé.

 

Parmi les principaux vainqueurs en U23 (- de 23 ans), nous pouvons notamment citer Thor Hushovd (1998 - Norvège), Yaroslav Popovych (2001 - Ukraine), Taylor Phinney (2009 et 2010 - USA) ou plus récemment Bob Jungels (2012 - Luxembourg).

En 2014 donc, j’ai eu la chance de pouvoir disputer cette épreuve avec la sélection régionale de Franche-Comté car j’étais licencié au club de Besançon en 2014.

Dans l'ordre Hugo Hoffstetter, Kévin Goullot, Mathieu Fernandez, Romain Faussurier, Fabien Doubey (tous Etupes) et moi.

 


La course a été nerveuse comme prévu, la bonne échappée est partie dès le début du parcours, avant même d’aborder le premier secteur pavé (kilomètre 33).

 

J’aurai bien évidement aimé en faire partie mais c’était très risqué car généralement, c’est dans les 50 derniers kilomètres que la course se décante et les favoris se dévoilent.

Il n’en a rien été, un groupe de 17 coureurs a pris le large et n’a jamais été revu.

Il y avait quelques favoris dans le groupe devant et presque toutes les équipes représentées.

 

La sélection de Franche-Comté n’était pas présente devant… Impossible de prendre la course à notre compte car il faut l’avouer, notre équipe n’était pas assez forte collectivement pour prendre des décisions face aux BMC, Rabobank, USA et autres équipes belges.

 

C’était donc une course d’attente à effectuer en espérant que la jonction se fasse avec l’avant de la course et pourquoi pas tenter autre chose…


Revivez la vidéo de Paris-Roubaix Espoir 2014, en flamand pour être un peu plus dans l'ambiance et comprendre mieux comment se déroule cette course mythique !

Pour ma part, j’espérais montrer de quoi j’étais capable et je pense qu’un top 30 n’aurait pas été prétentieux.

La course me correspond beaucoup car j’avais un gabarit parfaitement adapté à ce type de parcours. Le tracé était entièrement plat, c’était donc une course de placement, où il fallait être vigilant concernant le sens du vent mais aussi où il fallait faire parler sa puissance sur les pavés !

 

Le facteur chance rentre en compte sur ce type d’épreuve, les chutes y sont fréquentes et personne n’est à l’abri d’une crevaison compte tenu du terrain pratiqué.

Généralement, le vainqueur de l’épreuve est épargné par tout cela. Il n’y a jamais de bons ou de mauvais moments pour avoir une crevaison dans l’Enfer du Nord.



De mon côté, je n’ai pas échappé à la règle et j’ai été victime d’une crevaison dès le deuxième secteur pavé aux alentours du 40ème kilomètre.

Placé dans les 30 premières positions du peloton derrière le groupe des 17 fuyards, j’ai donc percé de la roue arrière.

Impossible de continuer à pédaler sur les pavés, je dois m’arrêter.

C’est alors un grand moment de détresse, je suis sur le bord de la route avec le bras levé, une roue à la main, pour attendre que la voiture Franche-Comté vienne me dépanner afin que je puisse repartir.

 

Pour ne pas faciliter les choses, une grosse chute était survenue au sein du peloton à l’entrée du secteur et avait fait comme un barrage en divisant le peloton en plusieurs petits groupe, il était donc impossible pour les voitures suiveuses de doubler les coureurs qui étaient à terre et bloquaient la route.

La nervosité de la course était telle que tous les coureurs voulaient se placer dans les premières positions afin d’aborder les secteurs dans les meilleurs conditions. Cela n’a pas loupé !

Moi j’attends toujours plus loin, le bras levé, les secondes paraissent longues et je regarde les groupes de coureurs qui me passent devant…

2 minutes plus tard j’aperçois enfin la voiture de mon directeur sportif qui sort de l’épais nuage de poussière qui recouvre le parcours.

Le mécanicien m'apporte un roue arrière, me pousse et je repars aussitôt, ayant perdu énormément de temps.


Pour mieux comprendre un dépannage lors d'une crevaison, regarder cette courte vidéo avec Rémy Aubert (Franche-Comté) lors de l"édition Paris-Roubaix 2016.


 En sortant du secteur, je dois être au moins à 5 minutes du peloton, je m’accroche à la voiture afin de refaire mon retard au maximum (c’est normalement interdit par le règlement mais en l’absence de commissaire de courses sur les motos c’est toléré par les coureurs et autres équipes).

Ça va durer près de 10 kilomètres comme cela et je commence à apercevoir au loin la file des voitures qui ferme la marche du peloton.

Enfin, j’arrive à intégrer un petit groupe de coureurs attardés, victimes eux aussi de crevaisons ou chutes et nous nous allions ensemble pour combler notre retard.

Heureusement, devant l’échappée ne creuse pas trop d’écarts et il y a un moment de flottement dans le peloton, ce qui me permet de revenir dans la course.

Il reste alors un peu plus de 100km…


Jusqu’à Roubaix, ce sera un scénario similaire pendant la course mais j’arrive à passer au travers des chutes et crevaisons, la course se déroule plus sereinement car le peloton est moins conséquent.

Je prends du plaisir sur les pavés et me refait une santé en me ravitaillant correctement avant d’aborder les 60 derniers kilomètres de la course, ceux qui seront décisifs.

 

 

Malgré un placement correct et une envie de bien faire, je lâche prise à environ 40 kilomètres de l’arrivée dans un secteur important, lorsque la course laisse place aux favoris. Impuissant, comme beaucoup d’autres coureurs, la sélection se fait et de petits groupes se forment.

 

Devant c’est le hollandais Mike Teunissen qui s’impose en solitaire devant 2 coureurs de la formation BMC.

Ils appartenaient à l’échappée matinale qui truste les 17 premières places du classement.

 

Un groupe d’une trentaine d’éléments arrive ensuite et derrière, ce sont des petits groupes de coureurs qui finissent la course. Je termine 74ème de l’épreuve en compagnie d’un américain avec qui nous avons effectués les 20 derniers kilomètres en duo.

Loin du vainqueur (environ 8 minutes), j’ai quand même pu vivre l’entrée dans le mythique vélodrome de Roubaix avec la foule, certes moins conséquente que pour la version des professionnels mais avec le même schéma.

 

<< J’ai donc terminé l’Enfer du Nord et c’est tout de même un grand moment dans la vie d’un coureur cycliste.

Sans ma crevaison en début de course et tous les efforts que j’ai dû déployer pour réintégrer le peloton, je suis persuadé que j’aurai pu arriver dans le groupe principal et faire une place correcte mais c’est la course !

De là à se retrouver à l’avant et jouer la victoire, je ne pense pas vu mon manque d’expérience et de niveau tout simplement ! >>

 


 

Après la course, il y a un rituel qui veut que les coureurs prennent leurs douches dans les vestiaires historiques du vélodrome, là où les plus grands champions cyclistes se sont lavés.

Vestiaires d’un autre temps qui sont même inscrits au patrimoine de la ville de Roubaix.

Aujourd’hui, la majorité du peloton regagne les cars des équipes pour profiter du confort car ils sont équipés de douches.

Dans les vestiaires, il y a des séparations permettant aux coureurs d’avoir un minimum d’intimité. Sur les murs qui séparent les coureurs, une petite plaque avec le nom des vainqueurs en mémoire des coureurs qui ont réussi à s’imposer sur l’Enfer du Nord.

Parmi les vainqueurs les plus connus on retrouve Eddy Merckx, Roger De Vlaeminck, Bernard Hinault, Francesco Moser…

Premiers arrivées, premiers servis, certains coureurs attendaient d’avoir le compartiment Tom Boonen (vainqueur 2005, 2008, 2009 et 2012) ou Fabian Cancellera (vainqueur 2006, 2010 et 2013).

Je suis rentré dans le vestiaire et j’ai tout de suite trouvé le compartiment du belge Johan Museeuw, triple vainqueur en 1996, 2000 et 2002.

Je n’ai donc pas hésité à prendre celui-ci et enfin pouvoir me laver après près de 6h sur le vélo !

JEAN-FrANCOIS BENTZ - jOG'R MULHOUSE

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Commentaires: 1
  • #1

    Diory Damien (vendredi, 08 septembre 2017 18:38)

    yes ! merci de nous avoir fait partager cette belle aventure.